De 6 à 8 % du territoire suisse sont affectés par des mouvements de terrain. Dans le cadre de son volet sur la protection des bâtiments contre les mouvements de terrain permanents, le projet d’innovation GEOL_BIM se penche sur les optimisations possibles dans la planification et la réalisation de mesures de protection des bâtiments. Les résultats ainsi obtenus peuvent profiter à des projets de construction dans des zones menacées.

Les glissements permanents, qui se caractérisent notamment par une pression accrue du sol ou des mouvements de terrain différentiels, sont à l’origine de dommages considérables aux bâtiments par basculement, déformation ou affaissement. Le travail des planificateurs consiste à contrer de telles actions au moyen de mesures constructives appropriées, ce qui constitue un véritable défi. Les spécialistes à l’œuvre peuvent aujourd’hui compter sur l’aide des nouvelles formes de collaboration dans l’application de la méthode BIM, ainsi que sur l’échange centralisé d’informations au moyen de la maquette numérique.

Informations géologiques dans la maquette numérique
Le projet d’innovation mis sur pied par CHGEOL, l’Association suisse des géologues, et cofinancé par Innosuisse, l’agence suisse pour la promotion de l’innovation, aborde la question de l’intégration de la géologie et de la géotechnique dans l’utilisation de la méthode BIM.

Il existe déjà un format de fichier répandu, normalisé à l’échelle internationale, qui favorise la mise en commun de données dans l’industrie de la construction : le format IFC (Industry Foundation Classes). La norme actuellement en vigueur n’est toutefois pas encore explicitement conçue pour des applications géologiques et géotechniques. Pourtant, intégrer l’expertise géologique est capital, en particulier dans le domaine du génie civil et la prévention des dangers naturels. C’est pourquoi l’équipe du projet GEOL_BIM a choisi le modèle de données conceptuel GeoSciML 4.1, utilisé sur le plan international, pour représenter les structures géologiques.

En se fondant sur des processus de travail spécialement conçus pour des applications géologiques, GEOL_BIM a permis de transférer des informations pertinentes, typiques pour des zones en glissement, vers IFC. En s’appuyant sur l’exemple du glissement de terrain de la zone dite Chratzera à Grindelwald, la figure en bas présente les résultats tels qu’ils apparaissent dans le BIM-Viewer ainsi qu’une modélisation des données.

Planification et gestion : optimisation en fonction des risques
En utilisant la méthode BIM dans des situations de glissements de terrain permanents, on cherche à minimiser les risques liés à ce danger naturel et à garantir la fonctionnalité d’un bâtiment pendant l’ensemble de sa durée de vie. Afin de veiller à un flux d’informations efficace, une carte des processus selon la méthode IDM a donc été conçue. Il s’agit d’un schéma de la collaboration entre les différents acteurs tout au long du cycle de vie d’un ouvrage.

Version simplifiée de la carte des processus destinée à l’application « glissements permanents », des prémices de la planification à la gestion postconstruction.
Version simplifiée de la carte des processus destinée à l’application « glissements permanents », des prémices de la planification à la gestion postconstruction.

Pour s’éviter de mauvaises surprises à une phase avancée du projet et s’octroyer une plus grande marge de manœuvre – pour des solutions conceptuelles plus élégantes –, une clarification initiale minutieuse des dangers s’impose. C’est d’ailleurs la base de toute planification aboutie et cohérente. En effet, pour le maître d’ouvrage, des modifications du projet ou des mesures de protection supplémentaires ne peuvent souvent être réalisées qu’au prix d’efforts et de surcoûts considérables.

Au même titre que les données géologiques fondamentales telles que les cartes géologiques ou les sondages existants, les cartes cantonales des dangers naturels sont un instrument essentiel lorsqu’il s’agit d’identifier les menaces. En délimitant les surfaces de glissement et en caractérisant les propriétés du glissement, elles fournissent des données détaillées, aisément accessibles sur la dynamique du glissement et sur ses actions sur les ouvrages. Il existe des cartes des dangers actualisées pour un grand nombre de zones d’habitation. Pour certaines régions, elles livreront en outre des informations supplémentaires telles que vecteurs de déplacement, données inclinométriques, profils géophysiques, données hydrogéologiques ou encore dommages documentés.

La carte des processus prend également en compte les mesures d’entretien, l’objectif étant de mettre en avant la perspective d’une limitation des dommages pour inciter les maîtres d’ouvrage à effectuer des contrôles réguliers des ouvrages, p. ex. à intervalles d’un ou de deux ans. Selon les dangers et les mouvements, ces inspections peuvent se faire visuellement ou au moyen de capteurs de position et de repères. L’approche minimale pourrait consister en une mesure initiale (mesure zéro) précise de la localisation du bâtiment – c.-à-d. coordonnées et angle des murs extérieurs –, qui servirait de référence lors d’éventuelles mesures ultérieures effectuées en cas de soupçon de basculement, de déformation ou d’affaissement.
 

L’entretien et les dommages, sources d’information
Des travaux d’entretien planifiés et effectués méticuleusement serviront à recueillir de nouvelles informations, qui serviront la prévention. On peut envisager que les conclusions qui indiquent un changement du type de glissement conduisent à une révision ponctuelle de la carte des dangers et à des investigations locales. Cela permettrait d’actualiser systématiquement, sur fond d’éléments tangibles, les données de base sur les dangers, et d’incorporer ces données vraisemblablement plus pertinentes dans des projets de construction. Au-delà de la planification, une base de données plus solide représente un avantage également lors de la validation, à un stade ultérieur, des mesures d’assainissement visant à ralentir le glissement (drainages, p. ex.).

Dès lors, GEOL_BIM prend la direction de la cohérence numérique et établit une communication continue, via un canal unique, intégrants divers domaines d’expertise. En même temps, une multitude de nouvelles possibilités s’ouvre en matière de gestion des incertitudes et des risques inhérents au sous-sol. Cette avancée devrait permettre, en particulier, d’améliorer la planification et l’exécution des mesures de protection et des travaux d’entretien en ce qui concerne l’action des glissements sur les structures porteuses des bâtiments et ouvrages d’infrastructure.
 

Projet d’innovation GEOL_BIM
La mise en œuvre du projet Innosuisse GEOL_BIM est confiée au Service géologique national (swisstopo) et à l’institut Construction numérique de la FHNW, sous la baguette de CHGEOL, l’Association suisse des géologues. Le projet compte de nombreux partenaires de renom, issus tant du secteur privé, du secteur public que du monde associatif.